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La révolution numérique a-t-elle changé nos alcôves ? En 1998, seuls 2 % des mariages aux Etats-Unis étaient le résultat d’une rencontre par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Ceux-ci sont à l’origine de la moitié des unions aujourd’hui. Les économistes Anton Cheremukhin, Paulina Restrepo-Echavarria et Antonella Tutino ont étudié, pour la très sérieuse Réserve fédérale de Saint-Louis (Missouri), cette évolution majeure, pour y déceler ce que cela a changé dans les choix des partenaires.
Les applications de rencontre, comme Tinder ou Bumble, qui dominent le marché, sont évidemment un outil sans équivalent pour trouver l’âme sœur avec efficacité. On peut y noter ses préférences avec précision : aspect physique, bien sûr, mais aussi niveau d’éducation, profession, âge ou encore revenus. Certaines applications sont même spécialisées, par orientation sexuelle, niveau de richesse, etc.
Leur recherche ne montre pas la rupture nette que l’on pourrait attendre avec l’apparition de la machine pour améliorer l’efficacité du choix selon ses préférences. Mais plutôt une lente évolution. Sur la période la plus ancienne étudiée (1960-1980), les critères de sélection pour trouver l’âme sœur accordaient plus de place à la race (au sens anglo-saxon du terme), à l’âge et à l’éducation. Sur la période moderne (2008-2021), les critères ont changé pour mettre en tête l’éducation, les compétences et le revenu. On cherche un partenaire de sa classe sociale ou de celle du dessus.
Résultat, cette sélectivité accrue, et facilitée par le numérique, explique, selon les auteurs, la moitié de l’accroissement des inégalités de revenus entre 1980 et 2020. Le premier critère étant la sélection par l’éducation (35 %), puis les compétences (30 %), curieusement, le revenu lui-même ne compte que pour 15 % dans ces choix.
Autre surprise, les auteurs s’attendaient à une réduction significative du coût des recherches, en temps et en effort, par rapport à la période d’avant le numérique. Après tout, celui-ci prospère sur la promesse d’un gain d’efficacité sans pareil, que ce soit pour trouver en un clic un billet de train ou l’âme sœur pour un soir ou toute la vie. Les chercheurs n’ont pourtant pas constaté de réduction de ce coût. Comme si le temps gagné se perdait ensuite en plus grande sélectivité ou en multiplication des expériences.
La question des appariements entre individus passionne aussi bien les sociologues que les économistes. Dans quelles circonstances les humains cherchent-ils des individus qui leur ressemblent ou qui leur sont complémentaires ? En termes de richesse, il semble que l’union du prince et de la bergère reste de l’ordre du mythe, en dépit des facilités qu’offre le smartphone d’aller voir en dehors de son cercle intellectuel et social.
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